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Le mode de vie que nous choisissons détermine en grande partie la qualité et la direction de notre existence.
Quel mode de vie adopter ? Quel sens donner à son existence ?
Comment distinguer le bien du mal ?
Peut-on répondre à ces questions de manière rationnelle sans s’en remettre à une foi aveugle ?
Regard sur la sagesse antique
Depuis des millénaires, l’humanité tente d’apporter des réponses à ces interrogations.
Socrate (469-399 av. J.-C.), parmi tant d’autres, s’y est notamment attelé.
L’une de ses contributions majeures fut l’idée d’examiner ses croyances à travers un processus rigoureux de questionnement, connu sous le nom de dialectique.
Cette méthode consiste à poser des questions pointues — à soi-même et aux autres — afin de tester la solidité d’une affirmation et d’atteindre une vérité plus fiable.
En somme, Socrate jouait l’avocat du diable, poussant chacun à justifier ce qu’il prétendait savoir.
Un célèbre exemple illustre bien sa méthode : il rencontre un jeune homme poursuivant son propre père en justice pour impiété.
En apprenant cela, Socrate, fidèle à son ironie, s’adresse au jeune homme en le qualifiant d’expert en piété, affirmant qu’il doit forcément maîtriser la piété pour accuser quelqu’un d’en être dépourvu.
Il lui demande alors, tout humblement, de définir ce concept.
À plusieurs reprises, le jeune homme tente de donner une définition, et chaque fois, Socrate lui démontre, avec une logique implacable, pourquoi celle-ci est insuffisante.
On comprend aisément pourquoi ce type de questionnement a pu exaspérer la classe dirigeante athénienne, au point de conduire à la condamnation à mort de Socrate.
Bien qu’il eût la possibilité de fuir, il choisit de rester et d’accepter son sort en buvant la ciguë.
Son respect des lois et sa fidélité à ses principes jusqu’à la mort sont des aspects de son parcours qui m’ont profondément marqué et inspiré.
Un autre penseur majeur s’est penché sur la question de la meilleure façon de vivre : Aristote (384-322 av. J.-C.), élève de Platon, lui-même disciple de Socrate.
Jeune, Aristote a d’abord poursuivi les idées de Platon sur la nature de la réalité (le monde des formes), avant de s’en détacher pour développer sa propre vision du mode de vie idéal.
Sa réponse principale repose sur le concept d’eudaimonia, un terme grec difficile à traduire avec précision en français.
Les versions les plus courantes sont « bonheur » et « épanouissement humain », mais aucune ne rend pleinement justice à sa signification.
Personnellement, je le traduirais plutôt par « accomplissement », bien que cela reste imparfait.
Contrairement à ce que suggère le mot « bonheur », l’eudaimonia ne désigne pas un état émotionnel figé, mais un processus dynamique de vie vertueuse.
Pour Aristote, c’était la seule finalité véritable de l’existence, une fin en soi plutôt qu’un simple moyen d’atteindre autre chose.
C’est probablement pour cette raison que « bonheur » est la traduction la plus courante, puisque nous percevons le bonheur comme une finalité plutôt qu’un simple instrument pour parvenir à un autre but.
Aristote s’efforçait d’identifier le mode de vie idéal, si tant est qu’il en existe un.
Son concept d’eudaimonia reposait sur deux piliers fondamentaux : l’action vertueuse et la contemplation.
Toutefois, le principal défi résidait dans la manière de déterminer les vertus à adopter.
Pour Aristote, la solution consistait à observer ceux qui semblaient vivre une existence épanouie et exemplaire, puis à analyser leur mode de vie.
Il constata que ces individus partageaient généralement des qualités, telles que l’intégrité, l’honneur, le courage, l’honnêteté, la rationalité et l’équité.
Ce processus ne reposait pas uniquement sur une introspection personnelle ; ces vertus étaient visibles de l’extérieur, permettant ainsi à Aristote de poser les bases d’une norme semi-objective du mode de vie idéal.
Comme Socrate avant lui, Aristote fut condamné à mort.
Cependant, au lieu de boire la ciguë, il choisit l’exil, affirmant qu’il refusait que les Athéniens « pèchent une deuxième fois contre la philosophie ».
(Je dois admettre ma gratitude de vivre à une époque où, à ma connaissance, philosopher n’est pas encore passible de mort.)
Le principal écueil de l’approche d’Aristote, malgré sa perspicacité, réside dans son caractère circulaire.
Pour atteindre l’épanouissement (eudaimonia), il faut vivre vertueusement, puis consacrer du temps à la réflexion et à l’étude.
Mais sur quels critères détermine-t-on les vertus à cultiver ou les sujets à approfondir ?
Aristote propose d’observer ceux qui semblent mener une vie réussie et exemplaire — ou, dans la Grèce antique, de s’inspirer des dieux.
Cette approche n’est pas si éloignée de nombreuses religions, qui prescrivent elles aussi des modèles de vertu à imiter.
Pourtant, elle ne répond pas à une question fondamentale : quel est le mode de vie optimal ?
L’eudaimonia esquisse une voie pour y parvenir, mais celle-ci reste incomplète.
Après Aristote, d’innombrables penseurs ont cherché à définir le mode de vie idéal.
Chaque religion propose sa propre définition.
Certains soutiennent qu’il n’existe pas de réponse universelle, que la question est secondaire, insoluble ou purement subjective.
Pourtant, l’attitude la plus problématique reste sans doute celle de ne pas se poser la question du tout, une posture adoptée par la majorité des gens.
Bien souvent, on se contente d’un mode de vie dicté par la société ou la famille, sans prendre le temps d’explorer d’autres options.
Choisir son propre cadre de référence
Dans quel but vivre ?
Pour le pouvoir, l’argent, le service, la longévité, la raison, l’amour, la foi, la famille, Dieu, la vertu, le bonheur, l’épanouissement, le confort, la satisfaction, l’intégrité ?
Jetez un coup d’œil à cette liste de valeurs.
Il y en a des centaines parmi lesquelles choisir.
Définir consciemment le but de sa vie est fondamental, car cette décision définit le cadre de référence qui influencera toutes nos actions.
Si nous ne définissons pas notre propre cadre, nous adoptons par défaut celui de la société qui nous entoure.
Aux États-Unis, par exemple, ce cadre de référence est largement orienté vers le matérialisme et la réussite individuelle.
Il dicte implicitement :
« Trouve un emploi, fonde une famille, économise, prends ta retraite. Sois un bon citoyen, ne fais pas trop de vagues, mais ne laisse pas non plus de trace majeure. Contente-toi d’être un rouage fonctionnel. »
Dans d’autres cultures, d’autres cadres de référence existent, façonnant des visions du monde distinctes.
Mais la plupart des individus suivent simplement le modèle ambiant, avec quelques ajustements personnels.
S’adosser au cadre de référence culturel par défaut est l’une des pires options.
Comparons, par exemple, démocratie et dictature sous l’angle du cadre de référence.
Dans une démocratie, il n’existe pas d’autorité unique dictant une vision globale de la vie.
Résultat : un mélange hétéroclite d’opinions, souvent incohérentes, qui génèrent ambiguïté et médiocrité.
La société fournit alors un guide de vie vague et impersonnel : trouve un emploi, fonde une famille, évite les ennuis, puis prends ta retraite.
Si vous demandez à un Américain de définir « la meilleure vie possible », vous obtiendrez une myriade de réponses superficielles et contradictoires — autant de cibles faciles pour un Socrate moderne, qui s’empresserait de les déconstruire.
Dans une dictature, le cadre culturel est bien plus structuré.
Prenez l’exemple de l’Allemagne nazie : la réponse à « quelle est la meilleure vie ? » aurait été nettement plus homogène.
Mais ces cadres de référence sont souvent construits pour servir les intérêts des dirigeants, et non des individus.
La pression exercée pour adhérer à la vision officielle peut conduire à la désillusion, la passivité ou le fanatisme.
Ainsi, si vous laissez la société façonner votre cadre de référence (ce qu’elle fera automatiquement si vous ne prenez pas cette responsabilité), vous vous retrouverez face à deux alternatives peu enviables : un cadre vague et confus ou un cadre rigide et oppressif.
Dans les deux cas, ce n’est pas optimal.
Vous n’aurez ni une direction claire ni une vraie liberté de pensée, et cela se traduira par des choix hasardeux qui, tôt ou tard, risquent de vous coûter cher.
En d’autres termes, votre mode de vie risque de dériver sans but précis, ou de se figer dans des diktats autoritaires.
Si vous aspirez à « la meilleure vie possible », vous devez choisir consciemment votre cadre de référence.
Vous ne pouvez pas simplement vous caler sur ce que dicte votre culture ou vivre selon les attentes des autres.
Tenter de se conformer aveuglément revient souvent à passer à côté d’une existence bien plus riche et alignée avec votre véritable identité.
Mais alors, comment diable définir son mode de vie ?
Doit-on se fier au hasard ?
Existe-t-il une démarche rationnelle pour répondre à une question aussi déterminante ?
Je ne peux pas répondre à votre place.
En revanche, je peux partager mon propre cheminement.
Ma réponse est forcément subjective, mais elle contient aussi des éléments universels qui, je pense, peuvent résonner en chacun d’entre nous.
Vivre selon les Vertus
En entrant dans l’âge adulte et en abordant sérieusement la question du mode de vie idéal, j’ai d’abord rejoint les idées d’Aristote.
Ma vingtaine a été consacrée à vivre de manière vertueuse.
Pour moi, la meilleure existence consistait à incarner des valeurs fortes : l’honneur, l’intégrité, le courage, la compassion, etc.
J’ai même pris le temps de les lister et de concevoir des exercices pour les cultiver au quotidien.
Une approche similaire à celle de Benjamin Franklin, qui, dans son autobiographie, expliquait comment il s’était fixé une vertu à travailler chaque semaine pour façonner son caractère.
Curieusement, c’est aussi à cette époque que j’ai découvert Ultima IV, un jeu vidéo dont je suis instantanément tombé amoureux et qui reste encore aujourd’hui mon préféré.
Contrairement aux RPG classiques où l’objectif est de vaincre un ennemi, Ultima IV vous met dans la peau de l’Avatar, un chercheur de vérité.
Votre quête consiste à atteindre le Codex de la Sagesse Ultime en développant huit vertus fondamentales.
Ces dernières découlent de huit combinaisons possibles des principes que sont la vérité, l’amour et le courage :
- Vérité = Honnêteté
- Amour = Compassion
- Courage = Vaillance
- Vérité + Amour = Justice
- Vérité + Courage = Honneur
- Amour + Courage = Sacrifice
- Vérité + Amour + Courage = Spiritualité
- Absence de vérité, d’amour et de courage = Orgueil et Absence d’orgueil = Humilité
J’ai trouvé ce système de vertus particulièrement brillant, surtout venant d’un jeu vidéo.
Des années plus tard, lors de la conférence de jeux vidéo dénommée E3 (Electronic Entertainment Expo), j’ai eu l’occasion de rencontrer Richard Garriott, le créateur de la série Ultima.
Curieux de comprendre la genèse de ces vertus, je lui ai demandé comment il les avait conçues et sélectionnées.
Il m’a expliqué que tout était parti d’un remue-méninge : il avait listé une multitude de valeurs, puis analysé leurs structures et leurs recoupements pour en extraire un système cohérent.
Aussi surprenante que soit leur origine (un jeu vidéo !), je continue aujourd’hui à envisager la vie vertueuse à travers ces huit vertus, issues de la vérité, de l’amour et du courage, seuls ou combinés.
Un seul détail me chiffonne : pour la combinaison de ces trois principes, je préfère le terme « intégrité » à « spiritualité ».
Dans Ultima V, on découvre les inverses de ces vertus, issues de la tromperie, de la haine et de la lâcheté.
Malheureusement, la série Ultima a, à mon sens, perdu son âme par la suite, au lieu de pousser encore plus loin cette exploration des valeurs morales.
C’est en embrassant pleinement les vertus issues d’Ultima IV que j’ai fondé Dexterity Software en 1994.
J’ai fait de mon mieux pour les incarner et les intégrer à l’ADN de l’entreprise. Par exemple, les six premières années où Dexterity a versé des royalties mensuelles, jamais un seul paiement n’a été en retard, ne serait-ce que d’un jour.
Je ne connaissais, à l’époque, aucun autre éditeur de jeux qui puisse en dire autant, du moins parmi ceux avec qui j’ai travaillé.
Pour moi, tenir un engagement relevait d’un principe d’honneur, bien avant toute considération de rentabilité… et cela reste toujours vrai aujourd’hui.
Évidemment, vouloir mener une vie vertueuse n’est pas sans inconvénient.
On finit forcément par croiser des personnes moins scrupuleuses, prêtes à exploiter cette posture à leur avantage.
L’industrie du jeu vidéo en regorge, surtout quand l’argent afflue.
J’étais disposé à travailler avec des partenaires honorables, mais j’en ai trouvé bien peu.
Beaucoup plaçaient le profit avant l’intégrité, ce qui m’a souvent placé à contre-courant.
Malgré cela, je reste convaincu que vivre selon ces principes est infiniment plus gratifiant que l’alternative.
J’ai aussi traversé de profonds conflits intérieurs dans ma quête d’une vie véritablement vertueuse.
Non pas que les vertus elles-mêmes soient problématiques, mais plutôt ma capacité limitée à les incarner pleinement.
Je faisais de mon mieux pour adopter des comportements alignés avec ces valeurs au quotidien, mais, quand je prenais du recul, une question me hantait : était-ce suffisant ?
Prenons mon métier à l’époque : proposer des jeux vidéo pour distraire les gens.
Est-ce vraiment une contribution vertueuse ?
Cette interrogation m’a poussé à exiger davantage de moi-même, à viser un idéal plus élevé.
J’ai alors multiplié les initiatives non lucratives :
- J’ai travaillé deux ans comme cadre bénévole au sein de l’Association of Shareware Professionals (Association des Professionnels du Logiciel Libre).
- J’ai rédigé des articles gratuitement, partagé des conseils, accompagné des personnes sans contrepartie.
- J’ai donné des conférences et cherché à apporter toujours plus aux autres.
- J’ai même refusé des opportunités plus lucratives pour privilégier le service avant tout.
C’était un progrès, mais ce n’était toujours pas suffisant.
J’avais l’impression de ne pas être à la hauteur de l’idéal de vie vertueuse que je poursuivais.
D’abord, j’ai cru que c’était normal, que cette quête resterait toujours inachevée.
Pourtant, une part de moi sentait qu’il me manquait quelque chose.
J’étais coincé dans le même dilemme qu’Aristote, qui n’a jamais vraiment défini ce qu’est « la meilleure vie possible ».
Je savais qu’elle existait, mais je ne savais pas où la chercher.
Quelle est la meilleure vie possible ?
Un jour, j’ai décidé d’aborder la question autrement.
Pourquoi cette question est-elle si difficile ?
Qu’est-ce qui la rend si complexe, si insaisissable ?
Cette réflexion m’a amené à une autre interrogation : Que faudrait-il pour que la réponse devienne simple ?
Eurêka.
J’ai soudain compris pourquoi cette question était aussi ardue : pour y répondre avec exactitude, il faudrait tout savoir.
Il faudrait avoir une vision totale de l’existence.
Autrement dit, il faudrait être Dieu.
Avouons-le, nos facultés humaines sont limitées.
Notre technologie le prouve.
Mon ordinateur, par exemple, calcule mieux que moi.
Son processeur enchaîne des tâches que mon cerveau ne sait faire.
Mon disque dur stocke plus d’informations que je ne pourrais en mémoriser en toute une vie.
Évidemment, mon cerveau surpasse mon processeur dans d’autres domaines, mais il y a clairement des limites.
Je me suis posé bien des questions pour parvenir à un nouveau regard.
Mon esprit peut-il percevoir ses propres limites ?
Si une espèce extraterrestre ultradéveloppée nous rendait visite, comment jugerait-elle nos limites ?
Dans quels domaines mon cerveau est-il dépassé ?
Et s’il existait un moi plus intelligent ? Comment vivrait-il ?
Quelles composantes de ma vie un être plus avisé trouverait ridicules, futiles, voire nuisibles ?
Et que conseillerais-je à un gorille, ou une souris, si je pouvais communiquer avec eux, dans l’optique d’optimiser leur vie ? Etc.
En conséquence, mon cadre de référence a encore évolué.
Pour la première fois, je ressentais concrètement les limites de ma propre intelligence.
Je commençais à cerner l’emplacement de ces « murs ».
Quelques limites s’imposaient d’elles-mêmes (ma capacité de calcul, de mémorisation, ma rapidité).
D’autres apparaissaient par mes tests empiriques : combien de concepts distincts puis-je maintenir en tête simultanément ?
Quel est mon degré de précision à évaluer le temps, la température, le poids sans outil ?
Combien de méthodes de résolution de problèmes je connais, et quels en sont les avantages/inconvénients ?
J’ai creusé la structure physique du cerveau pour voir dans quelle mesure ces frontières rejoignaient les travaux en neurosciences.
Les découvertes actuelles sont passionnantes.
Par exemple, avec des substances chimiques, on peut priver quelqu’un de sa conscience.
Avec de légères impulsions électriques sur un groupe de neurones, on peut déclencher une expérience décrite comme « spirituelle ».
Par la chirurgie, on peut retirer la capacité à jouer du piano.
Avec cet éclairage sur l’intelligence humaine, j’ai compris que la vraie difficulté pour définir le mode de vie idéal découle de notre incompétence à embrasser le tableau complet.
En clair, pour déterminer la meilleure vie possible, ce qui revient mathématiquement à déterminer la vie « optimale », il faut contempler toutes les existences possibles.
Cela exigerait un volume de données (et de prédictions) hors de notre portée.
Imaginez qu’il existe un million de vies que vous puissiez mener.
Trouver la meilleure supposerait de toutes les examiner, d’évaluer leur déroulement futur et de définir des critères objectifs pour les comparer.
Trois obstacles majeurs surgissent immédiatement :
- Un espace de recherche bien trop vaste pour être exploré de manière exhaustive.
- L’incapacité de prédire l’avenir pour chacune de ces options.
- La difficulté d’établir des critères de sélection fiables.
Les deux premiers obstacles sont clairement hors de notre portée.
Reste le troisième : la définition des critères d’évaluation.
Aristote a tenté de le surmonter en proposant la vie vertueuse comme guide, mais son approche, bien que précieuse, restait quelque peu nébuleuse et subjective.
Nous sommes face à une dynamique complexe :
- D’un côté, le champ des possibles est immense, bien trop vaste pour être exploré intégralement.
- De l’autre, nous devons tout de même trouver un moyen de comparer intelligemment nos choix, sans dépendre d’un futur incertain.
Trouver la meilleure approche, pas la meilleure réponse
Puisque découvrir la solution parfaite est impossible, il devient évident que la question du meilleur mode de vie n’a pas de réponse absolue.
Cela peut sembler frustrant, mais c’est aussi libérateur.
Dès lors, l’enjeu réel n’est pas de trouver « la » meilleure vie, mais de s’en approcher le plus possible.
La question devient alors : comment naviguer dans cette infinité de possibilités de manière à maximiser notre alignement avec ce qui nous épanouit vraiment ?
Heureusement, les mathématiques offrent une piste : les heuristiques.
Ce sont des méthodes qui permettent de se rapprocher d’un optimum sans avoir à explorer toutes les possibilités.
Un exemple classique est la méthode de l’escalade (hill-climbing).
Imaginez-vous placé au hasard sur une carte 3D : à chaque étape, vous montez vers le point le plus élevé à proximité.
Vous vous arrêtez dès que vous ne trouvez plus de pente ascendante.
Ce processus vous conduit à un maximum local, mais sans carte complète, impossible de savoir si vous avez atteint le point le plus haut de toute la carte (le maximum global).
Néanmoins, plus vous explorez, plus vous gagnez en confiance.
Ce principe suggère une approche similaire pour notre vie :
- Tester un mode de vie et chercher à l’améliorer continuellement en ajustant certains paramètres (santé, finances, relations, carrière…).
- Suivre une dynamique de progression: chaque changement doit nous amener à un meilleur état que le précédent.
- Continuer d’avancer tant qu’une ascension est possible.
L’inconvénient majeur est que nous risquons de nous retrouver coincés dans une situation qui semble être la meilleure, alors qu’en réalité, il existe un sommet bien plus élevé ailleurs.
Autre problème : notre durée de vie est limitée.
Nous n’avons pas le temps d’explorer toutes les options, et il se peut que nous ne découvrions jamais la vraie « meilleure vie » possible avant la fin du voyage.
Nous avons néanmoins un atout précieux : l’imagination.
Elle nous permet de tester mentalement différentes options avant de les expérimenter dans la réalité.
Cependant, cette capacité n’est utile que si notre modèle mental est fidèle à la réalité.
Sans cela, nos simulations risquent de produire des scénarios irréalistes et de nous induire en erreur.
Il est essentiel d’accepter la réalité telle qu’elle est, avec toutes ses nuances, y compris nos propres vérités, parfois inconfortables.
Sinon, notre « simulateur interne » produira des résultats biaisés : ce qui semble fonctionner dans notre esprit échouera dans le monde réel.
Plus notre représentation du monde est précise, plus nous serons capables d’évaluer différents modes de vie avec justesse.
Cela implique aussi une connaissance profonde et sincère de soi, en acceptant aussi bien nos forces que nos faiblesses.
Sans cette cohérence interne, notre simulation mentale restera peu fiable.
Suis-je certain que tout le monde puisse adopter cette approche ?
Probablement pas, car cela demande beaucoup de lucidité et de discipline intellectuelle.
Mais c’est le meilleur outil dont nous disposons, alors autant l’exploiter au mieux.
L’idéal est d’explorer mentalement différents modes de vie, d’en peser les forces et les limites, puis d’opter pour celui qui paraît le plus prometteur.
Restez cependant ouverts à de nouvelles possibilités : si une alternative plus satisfaisante se dessine, adoptez-la sans hésitation.
Comment comparer deux modes de vie ?
Reste une question essentielle : sur quel critère juger qu’un mode de vie est meilleur qu’un autre ?
Beaucoup ont essayé d’y répondre.
Dans l’univers du développement personnel, la réponse la plus courante est le bonheur.
Cherchez le plaisir, fuyez la souffrance.
On trouve des déclinaisons de cette idée dans la plupart des discours sur la croissance personnelle.
Mais considérer le bonheur comme réponse me paraît trop facile. Le bonheur n’est qu’une émotion, un état transitoire.
Fonder toute une existence sur une seule émotion me semble trop limitatif.
D’abord, atteindre un état de bien-être émotionnel est souvent plus simple qu’on ne le pense.
Une alimentation saine, de l’exercice physique, un bon sommeil… suffisent souvent à maintenir un équilibre émotionnel stable.
En ce qui me concerne, gérer mes émotions pour cultiver la joie ne me demande pas un effort particulier.
Dès lors, pourquoi ne pas avoir une norme plus ambitieuse ?
Même en élargissant la notion de bonheur à l’accomplissement ou à l’épanouissement, cette approche reste trop simpliste et accorde un poids excessif aux émotions.
Elle suppose qu’un sentiment d’épanouissement suffit à valider un mode de vie comme optimal.
Or, comment peut-on considérer cela comme logique, en sachant à quel point les émotions sont fluctuantes et influençables ?
J’ai donc écarté l’idée qu’un état émotionnel puisse être la clé ultime d’un mode de vie optimal.
En réalité, mes émotions sont malléables et dépendent largement de ma concentration mentale.
Aucun mode de vie spécifique ne peut m’apporter un ressenti que je ne pourrais pas simplement générer en orientant différemment mon imagination.
Si je peux créer n’importe quelle émotion à la demande, alors chercher un mode de vie qui « me rend heureux » n’a plus vraiment de sens.
Il me faut un critère plus profond.
Beaucoup de gourous du développement personnel prônent la réussite, la richesse, des relations épanouies comme buts de vie… mais bien souvent, ce n’est que du marketing sans réelle profondeur.
Leur approche vise à maximiser votre succès dans le cadre social existant, mais sans remettre en question ce cadre lui-même.
Le problème ?
Même si vous atteignez ce « sommet », il est probable que vous restiez loin du véritable potentiel qui s’offre à vous.
Vous vous contentez de gravir une petite colline, tout en ignorant les véritables sommets accessibles.
Plutôt que de me limiter à ces modèles de réussite prédéfinis, j’ai cherché à replacer ma vie dans une perspective plus large, fondée sur ma meilleure compréhension possible de la réalité.
Je me suis penché sur l’histoire de la vie, les futurs possibles et l’état actuel de l’évolution humaine.
J’ai réalisé que l’évolution ne se résume pas à mon existence individuelle : c’est une force qui, depuis des millions d’années, façonne la complexité du vivant, développe l’intelligence et améliore les chances de survie de l’humanité.
Dans cette perspective, trois choix s’offrent à moi :
- Collaborer avec l’évolution
- M’y opposer
- L’ignorer
Grâce à ma conscience, je peux choisir en toute lucidité.
Et ce choix influence directement le sens que je donne à ma vie.
S’aligner avec l’évolution : Le chemin vers le mode de vie optimal
J’en suis arrivé à cette conclusion : le mode de vie le plus optimal doit accompagner et renforcer le processus évolutif, plutôt que de le contrer.
Concrètement, cela implique deux piliers essentiels :
- Développer mon plein potentiel en travaillant sur ma propre évolution.
- Contribuer à l’évolution globale de la vie, en aidant les autres à progresser.
Ces deux dimensions se renforcent mutuellement.
Se focaliser uniquement sur soi serait un frein, car un environnement stagnant ralentirait inévitablement notre propre croissance.
Ce serait comme être « Tarzan parmi les singes » — limité par son entourage.
À l’inverse, se consacrer uniquement aux autres serait également sous-optimal : on ne pourrait transmettre que ce que l’on sait à l’instant T, sans enrichir sa propre compréhension pour mieux guider les autres.
L’équilibre entre les deux est donc essentiel.
Cet équilibre pour moi revient simplement à travailler sur ma croissance personnelle puis aider les autres à croître également.
Qu’est-ce que « croître » ?
Croître, c’est développer et affiner nos ressources les plus précieuses.
À mes yeux, cela signifie cultiver trois piliers fondamentaux que sont :
✔ L’intelligence
✔ La conscience
✔ La connaissance de la réalité.
Et pour permettre aux autres de croître à leur tour, je dois sans cesse améliorer ma capacité à communiquer et à transmettre.
Ma mission de vie est claire : contribuer à l’évolution.
C’est le filtre à travers lequel j’évalue chacune de mes actions.
Tout le reste — travail, argent, statut social — n’a de valeur que dans la mesure où cela s’aligne avec cet objectif.
Pourquoi se contenter d’un emploi et d’un salaire quand on peut jouer un rôle actif dans l’évolution de la vie elle-même ?
Tout autre mode de vie me semblerait être une version réductrice de l’existence.
Faisons maintenant le lien avec le concept d’heuristique.
Voici la stratégie globale qui en découle :
- Visualiser le mode de vie optimal, en utilisant comme critère principal votre contribution à l’évolution.
- L’embrasser pleinement.
- Ajuster votre trajectoire, en adoptant tout mode de vie qui vous permettrait de contribuer encore plus efficacement à l’évolution.
Le mode de vie que j’ai choisi consiste donc à consacrer l’essentiel de mon existence à la croissance.
Cela me paraît totalement logique.
Si le mode de vie optimal reste insaisissable, la meilleure approche consiste à améliorer notre capacité à l’identifier.
C’est comme un ordinateur : s’il ne peut pas accomplir toutes les tâches requises, mieux vaut améliorer son processeur plutôt que de se résigner à ses limites actuelles.
Mon approche me semble bien s’accorder avec la vision aristotélicienne de la vertu.
L’intelligence indique la direction à suivre, tandis que la vertu aide à baliser le chemin pour parvenir à destination.
Les deux sont indispensables pour mener la meilleure vie possible.
Toutefois, je considère que l’intelligence prime, car ce sont nos capacités intellectuelles qui façonnent nos vertus.
Ces dernières fonctionnent comme des raccourcis cognitifs : lorsqu’une situation est trop complexe pour une analyse approfondie, s’appuyer sur des principes vertueux permet d’éviter des choix déraisonnables.
En cas de doute, mieux vaut toujours privilégier l’honnêteté, l’honneur et le courage.
Passer de l’Homme 1.0 à l’Homme 2.0
Imaginez que vous vous réveilliez dans la peau d’un singe.
Vous pourriez vous contenter d’être « un bon singe », manger des bananes et grimper aux arbres.
Mais vous pourriez aussi chercher à devenir plus que cela : à transcender votre état et évoluer en humain.
Une fois cette transformation accomplie, vos anciennes ambitions de singe paraîtraient insignifiantes face à vos nouvelles capacités.
Dans le même esprit, comment un être encore plus évolué considérerait-il nos aspirations actuelles ?
- « Avoir une entreprise prospère »
- « Maîtriser le marketing »
- « Accumuler des richesses »
Il verrait sans doute ces objectifs comme des préoccupations primitives, comparables à celles d’un singe qui dispute une banane.
Nous ne sommes encore qu’un groupe de « grands singes », mais notre potentiel est immense.
L’intégration croissante de la biologie et de la technologie pourrait encore décupler notre intelligence et nos capacités.
Mais même sans attendre ces avancées, nous pouvons déjà repousser nos propres limites et maximiser notre potentiel intellectuel et créatif.
Aujourd’hui, nos moyens d’action restent limités, mais ces barrières s’effondrent chaque année.
Sur une vie entière, une personne qui consacre son existence à élever l’espèce humaine peut laisser une empreinte significative.
On se souvient encore d’Aristote.
Que se passerait-il si plusieurs milliers d’individus modernes consacraient leur vie au même dessein que lui ?
Nous aurions alors une chance réelle d’accélérer l’évolution, et d’accomplir quelque chose d’infiniment plus grand que nous.
Je ne peux pas le prouver, mais j’ai constaté que plus je m’aligne avec l’évolution, plus ma vie semble s’harmoniser d’elle-même, comme portée par un courant invisible.
Depuis que j’ai adopté cette perspective, tout fonctionne étonnamment bien pour moi, et je ressens une clarté mentale sans précédent.
Ce changement de cadre de référence était encore récent — moins d’un an — mais son impact ne cessait de s’intensifier mois après mois.
J’ai l’intime conviction que c’est exactement le chemin que je dois suivre.
La discipline reste essentielle, mais je me sens plus ancré et plus constant.
Je crois que cela vient du fait que je vis, selon ma compréhension actuelle, la meilleure vie possible.
Quand j’imagine une version encore « meilleure », ce n’est jamais un changement radical de direction, mais simplement une amplification de cette même trajectoire.
Cela n’a pas été un parcours facile, et je suis convaincu qu’il y aura encore d’autres évolutions.
C’est le principe même de la croissance : ce qui nous semblait être un objectif ultime devient rapidement un simple palier vers un niveau supérieur.
Dans le prochain article, nous verrons comment traduire cette réflexion encore abstraite sur le mode de vie en une mission de vie claire et réalisable.
Cet article est le deuxième d’une série de 5 articles sur le sens de la vie. Les autres suivront incessamment.
Article original écrit par Steve Pavlina.