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Il y a quelques mois, j’ai lu le livre Fragilité Blanche de Robin DiAngelo qui montre à quel point les personnes blanches peuvent se braquer quand il s’agit de discuter et de sortir de l’ignorance à propos du racisme systémique.
J’ai trouvé que le livre présentait des idées intéressantes même s’il était écrit dans un style académique et suscitait peu d’émotions par rapport à ce que j’attendais.
Je m’attendais à un contenu beaucoup plus percutant et basé sur des faits historiques ; or par moment j’avais l’impression de lire un manuel de formation d’entreprise.
Je pense aussi qu’il était un peu court au vu de l’importance du sujet qu’il aborde.
Dans l’ensemble, je considère qu’il s’agit d’un livre qui vaut le détour et je vous le recommande donc.
La principale leçon que j’en ai tirée, c’est l’importance de prendre en compte les autres points de vue et d’y être sensible, en particulier lorsque nous communiquons avec les autres.
Il n’existe pas nécessairement une approche unique, claire et correcte.
Par exemple, supposons que je raconte sur mon blog une histoire impliquant un de mes amis noirs (avec sa permission).
Dois-je mentionner sa race ou non ?
Dois-je commencer l’histoire par la formule « Un ami et moi… » ou « Un ami noir et moi… » ?
Avant, je n’aurais certainement pas mentionné sa race, sauf si je pensais cette information essentielle pour le récit.
Cela fait-il de moi une personne racialement aveugle ?
Notez que ce n’est pas la même chose que d’être racialement conscient.
Qui suis-je pour dénier le fait que la race soit un facteur important dans l’histoire ?
Suis-je en train d’essayer d’éviter un jugement potentiel en omettant ce détail qui peut avoir de l’importance pour certaines personnes et changer le sens de l’histoire à leurs yeux ?
De nombreux récits peuvent paraitre différemment lorsque nous les examinons via le prisme du racisme systémique, notamment des histoires de réussites ou d’échecs scolaires ou commerciaux.
Et comme le souligne le livre Fragilité Blanche, cette toile de fond est toujours présente lorsque des personnes de races différentes interagissent.
Ce livre m’a donc aidé à comprendre que le fait d’être racialement daltonien n’est pas une bonne norme à adopter.
Il s’agit en fait d’un mauvais postulat qui n’aide pas à avancer dans le bon sens.
Que se passe-t-il si je fais l’inverse et que je raconte une histoire sur « mon ami noir » ?
Cela introduit un autre problème, comme si j’essayais de prouver au monde que j’ai des amis noirs.
Indépendamment de mon intention réelle, beaucoup de gens pourraient interpréter cela comme un effort inauthentique de me faire passer pour une personne qui prône le respect des races.
Je peux comprendre ce point de vue.
Lire Fragilité Blanche = Polémique ?
Notez que le fait de reconnaître publiquement que j’ai lu le livre Fragilité Blanche peut susciter des réactions différentes selon les personnes.
Certains peuvent être heureux (ou même ravis) que je l’aie lu et que j’en parle sur mon blog.
D’autres peuvent y voir une déclaration du type « Hé, regardez-moi. Je me soucie aussi de la justice sociale ! »
D’autres encore apprécieront que j’aie lu le livre, mais n’apprécieront pas ce que j’ai à dire à ce sujet.
Pour être tout à fait honnête, je n’étais pas très enthousiaste à l’idée de lire ce livre.
Certaines personnes me poussaient à le lire depuis plusieurs semaines, mais à l’époque, j’étais bien plus intéressé par d’autres sujets.
Je n’ai décidé de le lire qu’après avoir terminé tous les autres livres qui étaient dans ma file d’attente et parce que j’ai constaté qu’il avait eu un fort effet sur une amie.
Si je n’étais pas curieux de comprendre sa réaction après la lecture de ce livre, je ne l’aurais peut-être pas lu cette année.
L’une des raisons pour lesquelles je n’étais pas enthousiaste à l’idée de lire ce livre, c’est que je considérais que son titre était volontairement provocateur pour appâter les gens ; et après avoir lu le livre, j’ai toujours ce sentiment.
J’ai trouvé le titre repoussant, tout comme les livres dont le titre comporte le mot « P*tain » me répugne.
Un titre plus exact pour ce livre aurait été : Conclusions de la formation à la sensibilité raciale en entreprise.
Je pense que certaines personnes blanches qui liront ce livre pourraient en être frustrées et en conclure que, quoi qu’elles fassent dans certaines situations, elles ne peuvent pas gagner — « vous êtes condamnés si vous le faites et condamnés si vous ne le faites pas ».
Prendre la chose sous cet angle signifie que vous passez à côté de l’essentiel.
Pour moi, il s’agit plutôt d’écouter, de faire preuve de sensibilité et de considération, puis de prendre des décisions fondées sur cette prise de conscience.
Il n’est pas question de suivre des règles strictes pour ne pas commettre d’erreur dans ses interactions, ce qui serait de toute façon un objectif intenable.
Se faire le plus clair possible
16 années de blogging m’ont entre autres appris que toutes les fois que j’écris sur des sujets sensibles, au moins une personne peut lire mes écrits et y attribuer un sens qui n’a rien à voir avec mes intentions initiales.
Dans un sens, il est donc vrai que je ne peux pas gagner.
Mais je n’ai pas besoin de gagner, ce qui signifie ne pas offenser qui que ce soit.
C’est une façon assez égoïste de voir la situation et ce n’est particulièrement pas utile. Il ne s’agit pas de gagner ou de perdre en tant qu’individu.
Lorsque j’écris, je peux toujours être sensible aux différentes interprétations possibles. Et cette prise de conscience peut m’aider à écrire plus clairement.
Parfois, j’ajoute des mots ou des déclarations supplémentaires pour clarifier les choses et éviter les erreurs d’interprétation potentielles.
Si je peux anticiper un malentendu avant qu’il ne se produise, il m’incombe de faire le nécessaire pour y parvenir.
Ce ne sera toujours pas parfait, mais c’est déjà mieux que d’agir comme un sourd et un ignorant.
Vous ferez toujours des erreurs, et vous serez toujours jugé pour celles-ci.
Cependant, lorsque vous tombez sur un problème, pouvez-vous découvrir pourquoi ?
Pouvez-vous accepter de faire preuve de sensibilité et de compréhension ?
Pouvez-vous en faire une expérience de croissance ?
La complexité de la question de la fragilité blanche
La plupart des idées que véhicule Fragilité Blanche n’étaient pas nouvelles ou surprenantes pour moi.
Toutefois, certains points m’ont agréablement surpris, et j’ai apprécié que le livre m’instruise sur ces angles morts.
Par exemple, je ne savais pas à quel point il pouvait être problématique pour une femme blanche de pleurer lors d’une formation sur la question raciale ou alors qu’elle discute avec des personnes d’autres races, surtout après qu’une personne d’une autre race ait raconté une histoire d’injustice raciale.
Maintenant, je comprends mieux pourquoi cette situation peut prendre une mauvaise tournure et pourquoi il faut faire très attention à ne pas pleurer dans un tel contexte.
D’un côté, on peut penser que la femme blanche est sincèrement émue et qu’elle ne peut pas s’en empêcher.
Mais on peut également considérer que cela peut trop facilement conduire dans une spirale négative qui fait dérailler la discussion et peut mener à un conflit, car certaines personnes se sentiront offensées par ces larmes tandis que d’autres comprendront.
De telles situations peuvent même dégénérer et donner lieu à des scènes de violence.
Comme si cela ne suffisait pas, il existe malheureusement beaucoup de récits dans lesquelles les larmes de femmes blanches ont causé de gros problèmes à des personnes noires.
Si l’on considère donc les autres points de vue sur la question, je peux comprendre pourquoi réprimer ses larmes ou quitter la pièce peut être une option raisonnable et pourquoi pleurer dans un tel contexte peut être une très mauvaise idée.
Je comprends également que cette situation peut être très périlleuse parce que des personnes différentes attribuent des significations différentes à ces larmes.
Personnellement, je n’ai pas l’impression que ce livre m’a donné des réponses claires et nettes.
Cela dit, je pense qu’il m’a renseigné sur la façon dont les gens peuvent attribuer une signification différente à des faits lorsque la race entre en ligne de compte.
Je ne suis pas d’accord avec certaines des conclusions et recommandations du livre, mais je peux comprendre pourquoi il va dans ce sens.
Fragilité blanche et véganisme
Dans l’ensemble, j’ai trouvé facile d’adhérer à l’idée générale de la Fragilité blanche, car elle est étroitement liée à un contexte que j’ai beaucoup plus connu : la fragilité des personnes qui consomment des produits d’origine animale.
Je vois beaucoup de parallèles entre l’évitement des discussions sur la violence et l’oppression systémiques dans les deux contextes.
Je ne peux pas vraiment savoir ce que ressent une personne noire lorsqu’une personne blanche fait preuve de cécité raciale, mais je sais clairement à quel point il est ridicule pour un végétalien de voir un consommateur de viande qui prétend respecter le végétalisme, surtout lorsqu’il le dit en mangeant un repas à base de chair animale.
Il est évident que ce n’est pas la même chose, mais le fait de relier ces contextes m’aide à mieux comprendre à quel point une telle fragilité est pathétique et à quel point les gens sont totalement inconscients lorsqu’ils la manifestent.
Cette prise de conscience me donne aussi envie de repousser davantage les gens qui végètent dans la fragilité, quel que soit le contexte.
Il me semble que ce n’est pas le livre qui m’a apporté le plus de valeur, mais plutôt le fait de faire ma propre introspection et de tenir mon journal après lecture.
Ce que j’apprécie le plus n’est pas ce que le livre m’a appris, mais plutôt la façon dont il a servi de catalyseur pour réfléchir à des questions plus profondes.
Je ne veux pas minimiser l’intérêt du livre pour les questions raciales, mais j’ai le sentiment que la lecture de ce livre m’a apporté bien plus qu’un nouveau regard sur le sujet de la race.
Le thème de la fragilité est un thème puissant qui se retrouve dans de nombreux autres domaines de la vie.
Ce que Fragilité blanche n’apporte pas, ce sont des solutions à long terme au racisme systémique lui-même.
Il n’explique pas comment renverser et remplacer les anciens systèmes.
Le but de ce livre est plutôt de nous confronter et de nous pousser à reconnaître que nous sommes tous attachés au racisme systémique, même si cette relation a été cachée.
Fragilité blanche invite à prendre en considération d’autres perspectives et la façon dont nos actions peuvent être interprétées différemment de ce que nous attendons.
Il nous invite à devenir moins fragiles, plus honnêtes et plus conscients.
Article original écrit par Steve Pavlina.