Au-delà de la robustesse et de la résilience se trouve un concept encore méconnu du grand public : l’anti-fragilité. Mais alors que le chaos des récentes crises sociétales redéfinit le marché du travail ainsi que l’économie tout entière, le freelance semble avoir le vent en poupe. Et pour cause, l’univers du freelance a témoigné d’une grande anti-fragilité qui aura posé les bases de son essor.
Le freelance est-il véritablement anti-fragile ? Si oui, en quoi l’anti-fragilité optimise-t-elle le succès du freelance dans notre nouveau paradigme économique ?
Note : Cet article a été rédigé par le site windtopik.fr
Anti-fragile : qu’est-ce que c’est ?
Nassim Taleb définit dans son ouvrage Antifragile : Les bienfaits du désordre (Titre original : Antifragile – Things That Gain from Disorder), l’anti-fragilité comme étant une caractéristique des systèmes dont l’exposition à des facteurs de volatilité, de stress, de difficultés, de chocs, de crises, fautes, erreurs, échecs ou autre forme de tribulations, conduit à un renforcement, une amélioration.
Stress, incertitudes, craintes, difficultés, échecs… Il s’agit là du quotidien de nombre d’entre nous. Si vous avez déjà suivi des interviews ou podcasts de personnes comptant l’histoire de leur parcours, vous noterez presque toujours cette rubrique. Les défis auxquels elles ont été confrontées ainsi que les voies et moyens par lesquels elles ont surmonté ces épreuves.
Ce type d’histoires est particulièrement courant chez les freelances. Enfants de l’incertain, évoluant dans un environnement particulièrement volatile, les freelances parmi les plus performants se sont développés malgré les aléas ou dans une certaine mesure, grâce à eux. Comment ça grâce à eux pensez-vous ? Eh bien, nous aborderons ce point un peu plus loin.
Comme mentionné plus haut, l’anti-fragilité est une notion qui est bien différente de la capacité à se remettre d’une épreuve (la résilience) ou la capacité à résister aux crises (la robustesse).
Le parcours du freelance vers l’anti-fragilité
1. Se former en permanence pour survivre
S’il y a probablement une chose commune à la carrière de tout freelance, ce sont très certainement la formation continue et la formation par l’expérience. Chaque nouveau client pour lequel l’on travaille est une opportunité de parfaire les paramètres de son ou ses avatars clients. Chaque période creuse peut servir pour se former à un nouvel outil. D’ailleurs, dans cette perspective, certains styles d’apprentissage permettent de progresser plus rapidement.
La crainte de ne pas être à la hauteur des attentes de son client ou encore celle de se retrouver dans une situation où l’on n’a plus du tout de client motive tout freelance digne de ce nom à fournir un effort d’aguerrissement et de perfectionnement constant. Et avec le temps, tout ceci imprègne les habitudes et la nature même du freelance.
2. Des revenus d’entrepreneur
En règle générale, le travailleur freelance a plusieurs sources de revenus qui peuvent être, soit simultanées, soit intermittentes. Ce fait constitue un facteur évident de résilience qui contribue clairement à l’anti-fragilité du freelance. En effet, tous ses œufs ne seront jamais dans le même panier quand sonnera l’heure d’une tempête. En tant que salarié, l’on n’a qu’une seule entrée d’argent contrairement au freelance qui en a plusieurs et qui résiste relativement mieux aux turbulences. Lorsque la collaboration avec un client prend fin, il y en a toujours 2 ou 3 autres sur lesquels se rabattre.
Certes, il ne s’agit pas non plus d’une manne providentielle ; cette situation n’a pas que des avantages. Qui plus est, le salarié français bénéficie de certains garde-fous légaux et administratifs qui ont vocation à amortir le choc d’une éventuelle cessation de travail, mitigeant ainsi les effets de sa dépendance à une seule source de revenus.
Le portefeuille du freelance ayant plusieurs entrées, ce dernier résiste mieux aux situations de crise comme une rupture de contrat. Quelles que soient les raisons d’un tel choc, une rupture de contrat, même si elle s’avère assez douloureuse sur le coup, peut se révéler être très bénéfique avec le recul. À minima, il permet au freelance de se réinventer pour aller explorer d’autres cieux.
Cette compétence développée naturellement par le freelance, à aller voir ailleurs, n’est pas aussi évidente pour un salarié.
3. Surfer la vague du dynamisme et de l’incertitude
Au premier rang de la réalité du marché du travail, le freelance est en contact permanent avec l’incertitude de cet univers ainsi que le chaos qui peut y régner. Il est donc tout naturel que ceux qui font carrière dans un tel environnement développent un certain talent pour ce qui est de gérer les zones de turbulence.
Le moindre changement de l’environnement socio-économique se fait directement ressentir sous la forme d’un besoin d’adaptation rapide. Que ce soit une mode qui passe, de nouvelles habitudes de consommation, ou encore la crise du Covid-19 et ses répercussions sur l’économie mondiale.
À l’inverse, le travailleur salarié d’une entreprise peut être amené à évoluer sur plusieurs années avec des outils obsolètes sans même avoir conscience du déphasage. Le freelance, quant à lui, est rapidement touché par chaque changement et se doit d’être réactif et proactif.
Ces deux caractéristiques fondamentales sont des points déterminants de votre survie sur le marché.
Dans une perspective de performance et de création de valeur, le freelance occupe cette position qui, quoique très exposée aux divers aléas, oblige le développement de son caractère anti-fragile. Aucune mission n’est identique à la précédente.
Il est donc assez difficile de demeurer dans sa petite zone de confort lorsqu’on évolue dans un tel environnement.
4. Grande flexibilité opérationnelle et contractuelle
Sur les plans opérationnels et contractuels, le freelance est caractérisé par une grande flexibilité qui le rend particulièrement apte à évoluer dans les environnements tumultueux. Par ailleurs, la liquidité de son expertise en fait également une option particulièrement intéressante pour nombre de clients.
Une flexibilité qui comporte certes nombre de risques et dérives dans les rapports entre le freelance et son client, mais qui dans l’ensemble semble bien plus adaptée aux environnements extrêmement dynamiques.
L’expertise du freelance se transfère aisément d’une entreprise à une autre. En outre, le format de la prestation de service offre une grande marge de manœuvre aux sociétés qui ont tout le loisir d’arrêter et/ou de reprendre un contrat sans toute la lourdeur administrative qui pourrait aller avec.
La formule d’un succès assuré ?
N’est-ce pas magnifique, cette anti-fragilité du freelance qui, finalement, lui confère des superpouvoirs ?
Et pourtant il ne faut pas chercher bien loin pour tomber par centaine sur des histoires de freelances contredisant totalement cette idée. Pourquoi donc ?
Attention au biais du survivant
L’anti-fragilité du freelance n’est qu’une perspective. Le fait de la considérer comme étant l’unique témoigne d’une analyse compromise par le biais du survivant. C’est cette tendance que nous avons parfois (ou souvent) à surestimer les chances de réussite d’un projet en nous basant sur un ou quelques individus ayant réussi, mais qui sont en réalité des exceptions statistiques. C’est un peu comme citer Jeff Bezos ou Bill Gates en exemple pour annoncer le succès d’une entreprise qui démarre. Ces personnages sont en réalité des survivants lorsqu’on considère la masse d’entreprises qui a été lancée au même moment que la leur mais dont l’initiative s’est soldée par un échec.
Il ne faut pas se leurrer, les freelances en difficulté et ceux qui ont dû renoncer se comptent par milliers. À tous ceux-là, l’anti-fragilité doit certainement être une notion bien abstraite ; si ce n’est totalement utopique.
La crise de la Covid-19 a sonné, pour de nombreux freelances, le glas d’une belle épopée. Commandes réduites, voire annulées, ruptures de contrat, augmentation des retards de paiement et impayés, retour à la normale incertain, etc. Pourtant, cette notion d’anti-fragilité, n’est-elle pas censée aider les personnes qui devraient en sortir grandies ?
Vers de meilleures perspectives dans la collectivité
Eh bien justement, Nassim Taleb indique clairement dans sa définition de la notion, qu’il s’agit d’une propriété de SYSTÈMES. Mais en dehors de la biologie, peut-on vraiment considérer un individu comme étant un système ?
En réalité, sur les plans économique et social, l’individu se rapproche plus de la cellule. Et au niveau cellulaire, c’est presque toujours quitte ou double. Quand bien même le système (le marché du freelance) aurait visiblement profité de cette turbulence, les événements ont eu un goût bien amer dans la bouche de nombreux freelances. Le système freelance est anti-fragile ; mais au niveau de l’individu, c’est surtout de la capacité d’adaptation de chacun que dépendent la survie et le développement.
Comme le dit Charles Darwin “ Ce ne sont ni les espèces les plus intelligentes, ni les plus fortes qui survivent, mais plutôt celles qui s’adaptent le mieux aux changements”.
S’il n’y a aucun moyen de garantir la résilience, voire l’anti-fragilité du freelance, la clé pour optimiser les chances de réussite réside dans le réseautage ou l’interconnexion ; apprendre à communiquer pour améliorer ses relations sociales. On note d’ailleurs une prise de conscience grandissante à ce niveau.
Associations locales, collectifs métiers et sectoriels, voire même syndicats… Les travailleurs indépendants s’organisent de plus en plus en réseau, dans une optique d’union qui fait la force. Et si le freelancing est comparable à un feu de forêt, le vent qui se lève pourrait peut-être éteindre les flammes sur certains arbres, mais attisera inévitablement l’incendie. Et même si les changements brutaux du marché éteignent au passage la bougie de quelques freelances, ces derniers pourront toujours retourner auprès de leurs communautés pour l’allumer à nouveau. C’est en ça que réside l’anti-fragilité du freelance.
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